Comment la présomption de statut d’employé modifie la conformité de la main-d’œuvre dans les industries réglementées au niveau fédéral
Auteure : Brittany Lamb
À la mi-2024, le Canada a présenté une législation révolutionnaire qui a fondamentalement changé la façon dont la classification des travailleurs est déterminée dans les industries réglementées au niveau fédéral. Le 20 juin 2024, le projet de loi C-69 (Loi sur la mise en œuvre du budget 2024, no 1) a reçu la sanction royale, établissant une nouvelle présomption de statut d’employé qui transfère la charge de la preuve des travailleurs vers les employeurs.
Ce changement important représente l’une des réformes les plus importantes de la classification des travailleurs dans le droit du travail canadien, avec des répercussions majeures pour les entreprises de plusieurs secteurs. Depuis sa mise en œuvre, cette législation a eu des impacts importants, rendant crucial pour les entreprises de comprendre les implications et les mesures de conformité nécessaires à l’avenir.
Comprendre les changements législatifs
Au cœur de cette législation se trouve un changement fondamental dans la façon dont la classification des travailleurs est déterminée. Auparavant, les travailleurs devaient souvent prouver qu’ils étaient employés pour accéder à diverses protections et avantages. Maintenant, l’équation a été inversée.
Selon Emploi et Développement social Canada (ESDC), la loi établit que « tous les travailleurs – y compris les travailleurs des petits boulots – sont considérés comme des employés sauf preuve du contraire lorsque leur classification est contestée. » Cela signifie que le statut de travailleur autonome est désormais l’exception plutôt que la norme lorsque le statut d’emploi est remis en question, les employeurs portant la charge de la preuve.
La législation apporte deux changements essentiels :
- Elle crée une présomption de statut d’employé pour toute personne rémunérée par un employeur
- Elle déplace la charge de la preuve aux employeurs pour démontrer pourquoi un travailleur devrait être classé comme travailleur autonome
De plus, la loi introduit des mesures importantes de reddition de comptes :
- C’est une infraction de traiter un employé comme s’il n’était pas un employé
- Elle établit un mécanisme formel de plainte pour les travailleurs qui estiment avoir été mal classés
- Elle exige une documentation et des preuves plus solides de la part des employeurs cherchant à classer les travailleurs comme travailleurs autonomes
Ces changements s’appliquent spécifiquement aux industries réglementées au niveau fédéral, qui incluent la banque, les télécommunications, les services de transport traversant les frontières provinciales ou internationales, ainsi que certaines sociétés d’État. Cependant, la législation pourrait influencer les approches provinciales et établir des normes qui vont au-delà des secteurs réglementés au niveau fédéral.
Mécanismes d’application
Le gouvernement canadien a mis en place des mesures d’application robustes pour assurer le respect des nouvelles normes de classification des travailleurs. La législation adopte une approche structurée pour la surveillance, l’enquête et la sanction des infractions.
Emploi et Développement social Canada (ESDC) et l’Agence du revenu du Canada ont conclu des ententes de partage de données spécifiquement conçues pour faciliter les inspections et les activités d’application liées à la mauvaise classification des employés. Cette approche collaborative élargit considérablement la capacité du gouvernement à identifier les violations potentielles à travers plusieurs ensembles de données.
Pour soutenir l’application de la loi et apporter de la clarté aux entreprises, le Programme du travail a publié des documents d’orientation détaillés :
- Mauvaise classification – IPG-105
- Déterminer la relation employeur/employé – IPG-069
- Mauvaise classification dans l’industrie du camionnage
Ce processus offre aux travailleurs un canal direct pour contester leur classification. Lorsqu’une personne dépose une plainte pour mauvaise classification, la charge incombe à l’employeur de démontrer pourquoi le travailleur devrait être considéré comme un travailleur autonome plutôt qu’un employé. Le manquement à fournir des preuves suffisantes peut entraîner des ordonnances de reclassification, des obligations de verser des arriérés de paiement pour les prestations, des pénalités en cas de non-conformité et des dommages à la réputation.
Les entreprises qui s’appuient sur des modèles de travailleurs indépendants devraient anticiper un examen accru et se préparer en conséquence.
Impact sur différents modèles d’affaires
La présomption de statut d’employé affecte différemment différents modèles d’affaires, certains faisant face à des adaptations plus importantes que d’autres.
Agences de placement traditionnelles
Les agences de placement qui classent déjà les travailleurs temporaires comme employés peuvent subir un impact direct minimal. Cependant, ces agences devraient examiner les contrats avec les clients et les dispositions d’indemnisation afin de traiter les risques potentiels de mauvaise classification. Les agences de placement pourraient trouver des avantages compétitifs à fournir des solutions conformes à l’engagement des employés aux clients cherchant à réduire leur exposition à la mauvaise classification.
Plateformes de l’économie à petits boulots
Les plateformes numériques facilitant le covoiturage, les services de livraison et d’autres travaux à la demande font face à d’importants défis dans le cadre du nouveau cadre. Le modèle actuel de contractant indépendant, typique de plusieurs plateformes, est directement en conflit avec la présomption du statut d’employé.
Les plateformes opérant dans des secteurs réglementés au niveau fédéral doivent évaluer si leurs modèles d’affaires demeurent viables selon les nouvelles règles ou nécessitent une restructuration. Même les plateformes non directement touchées devraient surveiller de près ces développements. La législation fédérale établit souvent des précédents qui influencent les règlements provinciaux dans d’autres industries.
Services professionnels et modèles de main-d’œuvre mixte
Les organisations utilisant un mélange d’employés et de contractuels doivent être particulièrement vigilantes quant à l’application cohérente des critères de classification. La présence de rôles similaires sous différentes classifications peut déclencher un examen accru de la part des régulateurs. Ces entreprises devraient mener des audits approfondis de la main-d’œuvre afin d’identifier et de corriger les points de vulnérabilité potentiels.
Distinguer les travailleurs autonomes légitimes
Bien que la législation crée une présomption de statut d’employé, l’ESDC a clairement déclaré que « les changements n’affecteront pas les travailleurs autonomes légitimes. »
Bien que des nuances spécifiques au Canada existent pour déterminer la classification des travailleurs, plusieurs principes fondamentaux demeurent constants à l’échelle mondiale. Pour une analyse détaillée de la façon d’identifier correctement les travailleurs autonomes par rapport aux employés, consultez notre infographie.
Les principaux facteurs que les autorités canadiennes prennent en compte lors de l’évaluation du statut d’entrepreneur incluent :
- Indépendance d’entreprise (identité d’entreprise distincte, plusieurs clients)
- Contrôle opérationnel (comment et quand le travail est effectué)
- Niveau d’intégration avec l’entreprise
- Risque financier et opportunités de profit
Pour les entreprises opérant dans des secteurs réglementés au niveau fédéral, la preuve du statut de contractant indépendant est essentielle pour assurer la conformité. Avoir simplement un contrat qui désigne quelqu’un comme travailleur autonome, même si les deux parties acceptent ces conditions, est insuffisant si la relation de travail ressemble à un emploi.
Comparaison avec les approches provinciales
Les industries fédérales réglementées au Canada fonctionnent maintenant sous cette présomption de statut d’employé, mais les approches provinciales de classification des travailleurs varient considérablement, créant un paysage de conformité complexe pour les entreprises opérant dans plusieurs juridictions.
L’approche de l’Ontario
La Loi ontarienne sur les droits des travailleurs des plateformes numériques, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er juillet 2025, crée une catégorie distincte de protections des travailleurs propres au travail basé sur les plateformes, plutôt que de reclasser les travailleurs des petits boulots comme employés. Les travailleurs doivent bénéficier de transparence concernant le salaire, de garanties de salaire minimum pour le temps de travail actif, et d’une protection contre le retrait arbitraire de plateformes.
Le modèle de la Colombie-Britannique
Les amendements de la Colombie-Britannique à sa Loi sur les normes d’emploi reconnaissent spécifiquement deux types de « travailleurs des plateformes en ligne » en tant qu’employés : les travailleurs du service de livraison et les travailleurs du service de transport par courrier. Cela contraste avec l’approche de l’Ontario qui classe directement des catégories spécifiques de travailleurs à la demande comme employés plutôt que de créer un cadre réglementaire distinct.
Les organisations dont les opérations couvrent plusieurs juridictions canadiennes devraient envisager de mettre en œuvre des protocoles de conformité propres à chaque juridiction plutôt que d’appliquer une approche universelle.
Stratégies pratiques de conformité
Avec huit mois d’expérience en mise en œuvre, les entreprises peuvent désormais s’appuyer sur les meilleures pratiques émergentes pour naviguer dans ce nouveau paysage de classification :
1. Effectuer un audit de classification complet
- Examinez chaque relation avec un entrepreneur individuellement
- Comparez les conditions de travail réelles avec les ententes écrites
- Identifier les classifications à haut risque nécessitant une attention immédiate
- Envisagez de faire appel à des experts externes tels que des partenaires en paie et en conformité
2. Mise à jour des contrats et de la documentation
- Renforcer les ententes avec les entrepreneurs afin de répondre aux critères légitimes des travailleurs indépendants
- Assurez-vous que les contrats reflètent la relation de travail réelle
- Spécifiez les livrables du projet plutôt que les responsabilités continues
3. Révision des pratiques opérationnelles
- Limiter le contrôle superviseur sur la façon dont le travail est effectué
- Établir des paramètres clairs du projet plutôt qu’une supervision continue
- Créer des canaux de communication distincts pour les contractuels et les employés
4. Envisager des solutions alternatives pour la main-d’œuvre
- Services d’employeur officiel (EOR) pour votre main-d’œuvre temporaire
- Solutions d’agent d’enregistrement (AOR) pour la gestion de relations légitimes avec des travailleurs indépendants
- Augmentation du personnel par l’entremise d’agences de placement établies
5. Mettre en œuvre une surveillance continue de la conformité
- Planifiez des examens réguliers des relations avec les entrepreneurs
- Offrir une formation de gestionnaire sur l’engagement approprié des entrepreneurs
- Surveiller la jurisprudence pertinente et les évolutions réglementaires
Perspectives d’avenir
En regardant vers l’avenir, plusieurs tendances clés influenceront probablement la classification des travailleurs au Canada :
- Application élargie : Attendez-vous à davantage d’audits des industries à haut risque, à des pénalités sévères pour les infractions et à une identification basée sur les données des éventuelles erreurs de classification grâce à un partage accru de l’information fiscale.
- Interprétations en évolution : À mesure que les dossiers avancent dans les processus administratifs et judiciaires, attendez-vous à des directives plus claires sur ce qui constitue un « contractant indépendant légitime » et des normes propres à l’industrie reflétant différentes réalités opérationnelles.
- Harmonisation inter-juridictionnelle : Les pressions économiques et la défense des intérêts des entreprises pourraient favoriser une plus grande cohérence entre les approches fédérales et provinciales, ce qui pourrait simplifier la conformité pour les opérations multi-juridictions.
Les organisations devraient se préparer à ces développements en abordant les lacunes de conformité de manière proactive plutôt que réactive.
Conclusion
La législation canadienne sur la protection des travailleurs à la tâche représente un changement important dans la façon dont la classification des travailleurs est déterminée dans les industries réglementées au niveau fédéral. Les entreprises font maintenant face à des exigences de documentation accrues, à un contrôle accru des relations avec les entrepreneurs et à des pénalités potentiellement importantes en cas de mauvaise classification.
Pour les entreprises qui naviguent dans cet environnement complexe, la voie à suivre exige à la fois une conformité rigoureuse et une planification stratégique de la main-d’œuvre. En comprenant les exigences spécifiques, en réalisant des audits approfondis, en mettant à jour la documentation et en envisageant des solutions alternatives pour la main-d’œuvre, les organisations peuvent gérer les risques tout en maintenant leur flexibilité opérationnelle.
Comment People2.0 peut aider
People2.0 offre des solutions complètes aux entreprises canadiennes qui cherchent à naviguer dans la complexité de la conformité à la classification des travailleurs. Nos services incluent :
- Solutions d’employeur référentiel (EOR) assumant la responsabilité de votre main-d’œuvre temporaire
- Services d’agent d’enregistrement (AOR) pour la gestion des relations conformes avec les travailleurs indépendants